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Démarche : Habiter la nature

Myriam et Manuel, Camille et Alban, rencontre

[- Rencontre avec Myriam et Manuel, Camille et Alban, habitant·e·s de Molliens au Bois, à La Forge, le 9 novembre 2021. Écrit de Denis Lachaud. Photo d’Eric Larrayadieu  -]

Chez Camille et Alban © Eric Larryadieu
Chez Myriam et Manuel © Eric Larrayadieu

Dans le cadre des rencontres des Alouettes à La Forge et sur l’impulsion de notre comité de pilotage, nous accueillons deux couples : Myriam et Manuel, Camille et Alban. Myriam et Camille ont grandi à Molliens-au-Bois. Elles sont revenues s’y installer avec leur famille voici quelques années. Manuel et Alban sont conseillers municipaux depuis les dernières élections.

– Vous travaillez où ?

– Nous on travaille à Dury (Amiens sud) et à la maison.

– Moi à Amiens.

– Moi je vais une à deux fois par semaine à Levallois-Perret.

– Qu’est-ce qui vous a poussés à venir vous installer à Molliens ?

– En ce qui nous concerne, c’est Myriam qui a eu envie. Moi je ne voulais pas spécialement quitter la ville.

– Nous on en avait marre.

– Ici c’est différent d’un village dortoir. Les gens continuent à se connaître, à se saluer dans la rue.

– J’ai envie que ça reste un village, je n’aimerais pas que Molliens devienne trop grand.

– Moi non plus je n’ai pas envie que ça change. On est dans un lotissement mais je n’ai pas l’impression qu’on est les uns sur les autres. On ne tend pas le bras pour donner le sel aux voisins.

– Et puis on est contents que les enfants sachent ce qu’est une vache.

– Moi j’ai connu une très grande liberté ici, quand j’étais enfant.

– Et c’est pareil pour vos enfants aujourd’hui ?

– Ah non. Ce n’est plus possible. Le monde a changé. On a peur, avec les enlèvements, les agressions.

– C’est un fait de société. On ne laisse plus autant de liberté aux enfants.

– La camionnette blanche qui enlève les enfants, ça a été un sujet. Ça les a marqués, ils font attention.

– L’autre jour il y a encore une adolescente qui s’est fait enlever. Ça n’arrive pas qu’aux autres.

– Les enfants sont moins demandeurs. Ils ne veulent plus une mobylette, ils veulent un portable.

– On ne voit plus autant d’enfants dans la rue.

– C’est aussi parce qu’il y a beaucoup moins d’enfants dans le village. Il a vieilli.

– Molliens est plutôt un village de vieux.

– Moi j’ai connu 20 à 30 gamins scolarisés à l’école primaire. Là ils sont 4 le matin à attendre le bus. Quelques uns sont déposés par leurs parents, mais le nombre d’enfants décroît. Les lotissements ont amené peu de gamins. Ceux qui font construire sont déjà bien installés dans la vie. Ils ont des enfants qui ne sont pas en bas âge.

– Où vont-ils à l’école ?

– L’école primaire, c’est à Rainneville, le collège à Villers Bocage.

– À l’école primaire de Rainneville, il y a 180 enfants environ. La moitié vient de Rainneville, le reste de trois autres communes.

– Nous on a gardé l’école à Amiens. Nos filles y étaient intégrées, on ne voulait pas tout changer en même temps, quand on a déménagé ici. De toute façon, j’y vais tous les jours pour travailler. Si on avait eu la maison avant les filles, on aurait fait différemment.

– Donc vous êtes venus parce que vous avez des attaches ?

– Oui. La plupart de nos voisins aussi sont du coin. Ils ont des attaches à Molliens, à Rainneville…

– Un couple d’amis est venu à Molliens en location, le temps de faire construire à Rainneville. Ils regrettent d’avoir acheté là-bas. Ils préfèrent Molliens.

– Il reste des parcelles à vendre ?

– Non, tout a été vendu.

– Il reste des dents creuses. Des terrains constructibles disséminés.

– Il y avait un Plan d’Occupation des Sols à Molliens. Maintenant, ça se passe à l’échelle intercommunale. On a eu le droit à un certain nombre de maisons. Donc il y a des endroits qui sont repassés en en terrains agricoles. L’état impose de combler les dents creuses. Il y a une ligne très claire au delà de laquelle on ne peut pas construire. Le règlement général est commun aux 26 communes, avec des spécificités locales, comme par exemple à Molliens, dans la rue Neuve, les contraintes d’alignement des maisons, des haies.

– La rue Neuve prolonge l’allée des Tilleuls, qui mène au château…

– L’allée des tilleuls est inscrite à l’inventaire des monuments historiques.

– Il y a des contraintes quand on fait construire : ardoise ou tuile, pente du toit…

– À l’époque où j’étais au Conseil Municipal, on recommandait le soubassement en briques, les volets… C’était juste une recommandation.

– Y a-t-il des activités hebdomadaires à Molliens, pour les enfants ?

– Non.

– Il y a un cours de musique à la salle des associations.

– C’est l’intercommunalité qui s’occupe des activités, du centre aéré par exemple.

– Les enfants qui vivent à Molliens ne se rencontrent plus tellement.

– Ils se rencontrent lors de fêtes organisées par le village.

– Les amis de nos enfants vivent ailleurs.

– Les enfants sont contents d’habiter à la campagne. Ils sont tranquilles, ils ont de l’espace, ils se sentent en sécurité. Et tant qu’ils ont du réseau, tout va bien.

– Et ils trouvent toujours quelqu’un pour faire le taxi quand ils en ont besoin.

– Quels contacts ont vos enfants avec le territoire ?

– Hormis le jogging dans un rayon de 2 km en passant derrière le château, pas grand chose.

– Ils ne s’aventurent pas comme on le faisait à leur âge.

– Nous on n’était jamais à la maison. Nos parents ne s’inquiétaient pas.

– C’était une autre époque.

– Il ne se passait pas tout ce qui se passe aujourd’hui.

– La différence, c’est surtout l’information. Quand elle avait 14 ans, ma fille a été abordée par un homme à poil dans sa voiture. Mais ça ne s’est pas su.

– Moi aussi ça m’est arrivé d’être abordée par un homme. J’étais en 6e.

– Ici on est zen. On échappe au stress de la ville, on a des activités saines.

– Il y a beaucoup moins de bruit, il y a de l’espace, un beau paysage.

– Des coins magnifiques.

– On se promène en famille, on fait du VTT…

– La tradition locale : promenade digestive après un repas de famille.

– La transmission aussi. Ici j’ai appris à conduire un tracteur, à rouler avec une remorque, à faire du cidre…

– On a un jardin. Les enfants apprennent à respecter la nature.

– C’est concret.

– La soupe aux orties, les enfants adorent.

– Il y a combien d’habitants à Molliens ?

– Entre 350 et 400.

– Souvent, les gens qui se promènent dans le village pour prendre la température avant de faire construire quelque part, disent qu’il fait bon vivre ici.

– À Molliens, il y a ce que j’appelle un “Drive à œufs” : les enfants mettent une pièce et ils prennent des œufs.

– Il y a du troc entre voisins.

– Les oignons de Gilles.

– C’est quoi ?

– Il cultive des oignons, des échalotes, il fait des confitures… Il les vend chez lui.

– On trouve des poulets et des pintades, aussi.

– Tout ça c’est sympa.

– On veut vraiment préserver le côté village. 2 ou 3 petits lotissements, ça permet d’apporter du sang neuf, mais pas plus.

– Il y a des villages qu’on ne reconnaît plus, tellement ils ont augmenté.

– Et les chemins ? Taillés, pas taillés – ça vous préoccupe ?

– Moi ce qui me préoccupe, ce sont les chemins pulvérisés par les traitements. Il n’y a pas une herbe qui pousse.

– Et les chemins rognés par les paysans qui plantent jusqu’au bord. Oui ça nous préoccupe.

– Comment fonctionne l’entretien des chemins ?

– Ça ne fonctionne plus. Ça a longtemps été financé par une taxe à l’hectare. Mais la nouvelle Com de Com n’en a pas. il faudrait la remettre en place au niveau communal. Pour l’instant, il n’y a pas eu de volonté municipale.

– Des chemins, il y en a beaucoup.

– Certains particuliers s’en occupent. Ils mettent des gravats quand c’est trop gras, pour tasser.

– C’est à double tranchant. Quand c’est bien fait, ça va.

– Une haie qui disparaît, ça vous pose problème ?

– Oui. Les haies abritent les oiseaux.

– Et elles stabilisent les terres. Les agriculteurs se rendent compte qu’elles empêchent les glissements de terrain.

– Avant, il y avait une différence entre les natifs de Molliens et les autres. On vous le faisait sentir. Cette différence existe moins aujourd’hui, je pense.

– Si on vient vivre à Molliens, c’est par choix. On n’a pas le tout à l’égout par exemple. Il y a des gens pour qui c’est rédhibitoire. Ils s’installent ailleurs. C’est vraiment une question de choix.