PUBLICATIONS
La Forge
facebook
Newsletter
Contact

  • La Forge
    • Le collectif
      • La Forge ?
      • Le collectif actuel
      • Les auteurs d’avant
      • L’abécédaire de La Forge
      • Ensemble d’Elisabeth Piot, 2020
      • Subvention 2016
      • Non labellisée, 2015
      • La Forge s’expose, 2008, 2014
      • En réflexions publiques,1999-2014
      • En actes, 1994-2014
  • Les publications
    • À la BNF
  • Habiter ?
    • Habiter la nature (acte 17)
      • Louise, Bernard, Régis…
      • Écrire, peindre, déssiner, photographier, parler
      • Les Plaines l’été
      • L’Hèberie
      • Louise Dalle, L’Hèrberie
      • De la ferme à la forge
      • Marion Bacrot, Panicultrice
      • L’agriculture biologique ?
      • Une hétéropopie (partie 2)
      • Une hétérotopie (partie 1)
      • Faire commun aujourd’hui
      • Mais où sont passées les alouettes ?
      • Repenser la production alimentaire locale au temps de Covid-19
      • Habiter la nature ?
    • Actes accomplis
    • Actes à venir
    • Contributions de La Forge
  • Réalisations antérieures
    • Habiter l’exil (acte 16)
      • je suis ici, exilé.es
      • Je suis ici, réfugié·e
      • Ateliers au Lycée
      • Semaine de l’Égalité et de la Diversité
      • Atelier Français Langue Étrangère
      • Atelier Métallerie
      • FLE – Conversations autour de l’exil
      • Récits (1, 2, 3)
      • Ils sont ici
    • Habiter un bord de monde (acte 15)
      • Un camp de réfugiés palestiniens, 2014-2018
      • Aïda, Islam…
      • Arroub, Jehan…
      • Askar, Dima…
      • Dheisheh, Mariana…
      • Qadoura, Alaa…
      • Maghazi, Citoyenne de Gaza…
      • Résidences
      • Productions
      • Réfugié·e·s palestin·ne·s
      • Réflexions, regards
      • Printemps palestiniens, 2015 & 2017
      • Festival Palestine 2018
      • Palestine
    • Habiter un bord de ville (acte 14)
      • Une Zone Urbaine Sensible, 2011-2013
      • Ici, là où j’habite
      • Souffrir : au-delà du dénominateur commun
    • Habiter un bord de fleuve (acte 13)
      • Zone en réhabilitation paysagère, 2010
    • Et le travail ? (acte 12)
      • Agricole, industriel, coopératif, solidaire, 2004-2011
      • 0. Belfort, 2004
      • 1. Thiérache du centre, 2005-2007
      • 2. Montataire, 2005-2007
      • 3. Guise, Usine et Familistère Godin, 2005-2009
      • 4. Les Malmaisons, Centre d’Emmaüs, 2008-2009
      • 5. L’étoile, usine de recyclage Le Relais, 2008-2010
      • Thiérache / Vidéos
      • Thiérache-Montataire-Guise, 2007
      • Thiérache, vidéo
      • Guise, Le Tas de Briques
      • L’Étoile / Vidéos
      • L’Étoile : Paternalisme et État-Providence
    • Objets de réderie (acte 11)
      • Fées Diverses, 2004-2007
      • Ault-Onival
    • Jardin o(e)uvrier (acte 10)
      • Culture contre l’illettrisme, 2002
    • Quelle vie (acte 9)
      • Du paternalisme au chômage, 2000-2002
      • Pernois. Leslie Kaplan
    • Vacances/vacance (acte 8)
      • Camping folies, 1999
    • Bazar politique (acte 7)
      • Esthétique, poétique… 1998-2001
    • Mille millionnaires (acte 6)
      • Jeu de l’État, 1998
    • Photographie/engagement (acte 5)
      • Implication, distance, engagement, 1997
    • Public-Privé (acte 4)
      • Théâtre, électricité, 1996
    • Unité uniformité (acte 3)
      • Union, diversité, 1995
    • Mille et un bocaux (acte 2)
      • Paroles de femmes méditerranéennes, 1995-2002
    • Un signe en Santerre (acte 1)
      • Traces de guerre, 1994
  • Contact
  • Accueil

Accueil > Réalisations antérieures > Et le travail ? (acte 12) > L’Étoile : Paternalisme et État-Providence

    • Agricole, industriel, coopératif, solidaire, 2004-2011
    • 0. Belfort, 2004
    • 1. Thiérache du centre, 2005-2007
    • 2. Montataire, 2005-2007
    • 3. Guise, Usine et Familistère Godin, 2005-2009
    • 4. Les Malmaisons, Centre d’Emmaüs, 2008-2009
    • 5. L’étoile, usine de recyclage Le Relais, 2008-2010
    • Thiérache / Vidéos
    • Thiérache-Montataire-Guise, 2007
    • Thiérache, vidéo
    • Guise, Le Tas de Briques
    • L’Étoile / Vidéos
    • L’Étoile : Paternalisme et État-Providence

Christophe Baticle : Paternalisme et État-Providence

    Dernière étape, temporairement je veux l’espérer, de ce petit périple usinier : conclure en quelque sorte, bien que le terme soit ici très impropre. C’est là en effet toute la différence entre eux et nous, simples passants invités à observer quand les personnels du Relais resteront dans leur usine de chiffons. « La sociologie est un sport de combat »(1), disait de son métier un de ses maîtres, Pierre Bourdieu. C’est également, et je le réalise aujourd’hui plus que jamais, une violence et, pire que physique, « symbolique » pour reprendre le concept du même sociologue.    
    Qu’est-ce à dire que cette expression barbare ? On pourrait définir le concept de violence symbolique comme une forme d’adhésion des dominés aux principes qui permettent de légitimer leur propre domination. Les violentés sont ici appréhendés en tant qu’agents des processus qui tendent à faire prendre pour « naturels » ce qui ne ressort au final que de constructions sociales, à savoir ici les ressorts de la légitimité, dans notre société, à cette époque. Prenons pour exemple la classique illustration inspirée des hiérarchies scolaires. Le système éducatif peut être regardé comme une immense mécanique de classement : étalonnage des élèves par leurs résultats, mais aussi échelle de valeur concernant les formations suivies (plus ou moins prestigieuses), marché des établissements, réputés ou disqualifiés etc. Après être passé par une telle moulinette à trier, chacun peut se faire une idée assez précise de ses « qualités », si ce n’est que l’école distribue ses bons et ses mauvais points en fonction d’un corpus de savoirs qui sont loin d’être neutres. Il y a ainsi à l’Étoile un ouvrier à la force herculéenne, mais totalement analphabète. Il travaille sur la grosse presse, celle qui confectionne les plus imposants ballots de tissus. Pour réaliser ses tâches, il doit noter un certain nombre de références, dont la date, sur chacune des balles réalisées, ce qui nécessite de sa part une mémorisation quotidienne des formes à inscrire. Si on y réfléchit cette dextérité n’est pas dénuée d’un certain savoir-faire intellectuel, puisqu’elle exige de lui l’apprentissage d’une écriture sans la maîtrise du code de la langue qui lui correspond. On pensera à la méthode dite « globale » qui consiste à apprendre les mots comme des unités de sens associées à un contour déterminé. Mais quoiqu’on puisse en penser, cette agilité calligraphique reste cantonnée à un savoir-faire purement technique dans nos représentations de lettrés. Bien que la plupart des cerveaux bien-pensants seraient incapables de reproduire de mémoire une étiquette écrite en chinois sans en connaître l’alphabet spécifique, l’abstraction dominante rabaisse inévitablement le savoir-faire derrière le savoir conceptualisé. Pourtant, non seulement il n’est pas possible de les scinder radicalement, mais encore tout un ensemble de savoirs doivent être profondément incorporés pour être efficients. On imagine immédiatement la coordination des membres d’un cycliste qui oblige à un long apprentissage, mais Jean-Pierre Warnier explique que ce sont les même procès corporels qui sont en jeu dans le pilotage d’un avion, ou encore la pratique de la chasse(2) !

    En un mot, la violence symbolique consiste d’abord à établir des hiérarchies dans les savoirs, ensuite à les faire accepter comme normales et logiques, avant de fournir aux « élus », comme aux relégués, une explication prétendument rationnelle à leur plus ou moins grande aisance dans ces apprentissages. Ainsi, les « meilleurs » le sont au titre de « dons » personnifiés, qui font qu’ils excellent plus facilement sur les bancs de l’école, alors que d’autres se persuadent qu’ils seraient privés de ces facultés. Bien entendu, il n’est jamais question de dire que ces aptitudes correspondent davantage aux milieux sociaux dominants, et donc que l’école tend à reconduire les inégalités. Bourdieu parle de ce fait du « cercle enchanté de la légitimité » et d’une reproduction des « privilèges culturels »(3).

    Le problème que pose ce décryptage systématique et réaliste, c’est qu’il s’est tellement bien inscrit dans l’esprit des sociologues qu’on finirait par oublier la capacité des acteurs sociaux à vouloir sortir du cercle vicieux de la domination. Les habitants de la vallée de la Nièvre auraient pour handicap d’avoir vécu des décennies durant sous l’emprise d’un paternalisme stérilisant à long terme les initiatives individuelles. Certes, en prenant en charge certains des aspects du quotidien le système Saint ne générait pas l’esprit d’entreprise. Si ce n’est qu’il s’est effondré très en amont de la revente du groupe en 1969 ou du dépôt de bilan définitif de 1981. Les œuvres dites « sociales » sont en perte de vitesse bien auparavant. La maternité du groupe est bâtie un peu avant le second conflit mondial. Les écoles de formation suivent de peu. Mais après 1945 c’est surtout l’État Providence qui prend le relais des institutions paternalistes, n’en déplaise au mythe du patron protecteur qui perdure plus tardivement.

    Comment expliquer alors qu’il se serait maintenu là plutôt qu’ailleurs un « esprit local » moins prompt à tourner la page ? L’explication est peut-être à rechercher dans la comparaison avec d’autres grands groupes industriels qui dominèrent certaines microrégions, comme pour la sidérurgie dans l’Est hexagonal ou le bassin houiller du Nord. A la différence près que les liquidations furent là accompagnées par de grands plans de restructuration et de mesures de revivification du tissu économique local. On ne trouve aucune trace de pareil engagement pour la Vallée de la Nièvre. Pourtant, l’arrivée de la gauche au pouvoir au moment même où l’illusion n’était plus possible, aurait pu générer une action forte et décisive. Il semble que le dossier ait d’ailleurs été porté sur la table du nouvel occupant de l’hôtel Matignon, mais il faut croire qu’à cette époque la relance keynésienne mobilisait les moyens budgétaires, sans compter que s’agissant d’un groupe privé l’Etat socialiste n’avait probablement pas dans ses intentions de le sauver du marasme alors que nombre d’entreprises publiques exigeaient de lourds investissements.

    Plutôt que de s’intéresser uniquement aux conséquences psychiques et sociales du paternalisme, dont l’apogée se situe au tournant des XIXe et XXe siècles, le rôle ou plutôt les déficiences de l’État protecteur semblent autrement plus explicatives pour la période contemporaine. C’est d’ailleurs le sentiment qui domina la rencontre proposée par La Forge le 27 septembre 2009, sur le site des Moulins Bleus. Bien entendu, il ne s’agit pas de considérer les participants à ce débat à la manière d’un échantillon représentatif de la population du secteur, loin s’en faut. « Autour du lieu » avait des visées plus modestes : provoquer la parole à partir d’un paysage marqué par ce passé industriel. On peut y déceler trois portraits-types. D’abord les nostalgiques du système, qui avancent pour argument l’écart qui sépare cet hier qu’on conserve doré à l’esprit et la réalité vécue aujourd’hui dans le monde du travail. On distingue ainsi le présent des financiers, par rapport aux « vrais patrons » d’antan qui se préoccupaient de leur personnel. Un homme d’une soixantaine d’années justifie par un exemple. « Un ouvrier qui n’était plus apte à travailler à la production, on ne le licenciait pas. On lui trouvait un autre emploi dans l’usine : même balayer. » Deuxième catégorie d’intervenants, les critiques, souvent également distants de la vallée, que ce soit par l’habitat ou l’emploi. Apparaît alors l’image d’une prison pas si dorée, avec son cortège de symptômes liés à l’enfermement. Une ancienne infirmière du CHU amiénois relève l’alcoolisme et les maladies professionnelles. Enfin, les plus jeunes qui n’ont pas connu personnellement le fonctionnement de la maison Saint. Chez ces derniers, il semble qu’il ne se soit pas transmis une mémoire très prégnante de la logique paternaliste. Ils insistent essentiellement sur le manque d’emploi, les difficultés de la vie au jour le jour et les moyens de s’en évader. Les frères industriels semblent bien loin et sans ce vent de patrimonialisation qui a atteint les sphères « pensantes » de la société, il est probable qu’ils le seraient restés.

Christophe Baticle
Travailleur intellectuel
Faisant fonction d’enseignant-chercheur en sociologie, anthropologie, sciences de l’éducation et sciences sanitaires et sociales
Université de Picardie Jules Verne, Amiens
Laboratoire Habiter : Processus Identitaires, Processus Sociaux, Nantes-Amiens

______________________________________________

(1) Documentaire de Pierre Carles, Montpellier : C-P Productions, 2001, 2 heures 26.
(2) Cf. « Chasse et territoires : un apprentissage par corps », communication lors du colloque de la Société Française d’Economie Rurale (SFER), 25, 26 et 27 mars 2009, à l’ENITA, Clermont-Ferrand, 13 feuillets. Résumé : « Les sciences cognitives établissent une distinction entre deux sortes de connaissances humaines : les connaissances verbalisées et les connaissances procédurales (comme par exemple faire du vélo). Les connaissances procédurales sont inscrites dans le corps. Elles possèdent une triple dimension : sensorielle, motrice et émotionnelle. Elles sont peu accessibles à une conscience de leur fonctionnement. Elles sont en prise avec la culture matérielle. Elles atteignent profondément la subjectivité des personnes. En considérant la pratique cynégétique dans un territoire sous l’angle des connaissances procédurales plutôt que des représentations dont elle est l’objet, il est possible de montrer qu’elle mobilise une culture sensori-motrice et matérielle complexe accompagnée d’émotions spécifiques qui s’inscrivent dans la subjectivité du chasseur. Corrélativement, on peut révéler les difficultés qui font obstacle à l’entrée des jeunes dans la pratique de la chasse qui exige du sujet qu’il l’apprenne «par corps ».
(3) Cf. Alain Accardo et Philippe Corcuff : La sociologie de Bourdieu, Bordeaux : Le Mascaret, 1986, pages 37 à 66.



Articles récents
  • PHOTOGRAPHIES D’HABITER LA NATURE 23 janvier 2021
  • LA PASSION DES BOVINS 20 décembre 2020
  • RENCONTRE AVEC CÉCILE FONTAINE 20 décembre 2020
  • QUAND LA CULTURE S’INTÉRESSE À L’AGRICULTURE 16 décembre 2020
  • ÉCRIRE, PEINDRE, DESSINER, PHOTOGRAPHIER, PARLER 16 décembre 2020
  • LA TERRE D’ICI 16 décembre 2020
  • LA CHASSE AUX IDÉES PRÉCONÇUES 9 décembre 2020
  • Previous
  • Next
Bord de monde ?
  • Apports d'exilés ici
  • Contributions de La Forge
  • © Candide
  • © Denis Lachaud
  • © Eric Larrayadieu
  • © Marie Claude Quignon
  • © Mickaël Troivaux
  • © NTE
  • © Sophie Douchain

Les auteurs
  • Sophie Douchain
  • Nous Travaillons Ensemble
  • Mickaël Troivaux
  • Marie Claude Quignon
  • La Forge
  • Eric Larrayadieu
  • Denis Lachaud
  • Contributeur
  • Christophe Baticle
Mots Clés
agriculture Chasse demain Habiter impromptu jeunes Réfugiés ici Réfugiés palestiniens
Newsletter
Contact